Née au Québec, elle habite maintenant la campagne. Depuis sa tendre enfance, elle n’a jamais cessé d’expérimenter le spatial et les couleurs. À l’école secondaire, elle s’applique principalement aux cours où elle peut dessiner; ainsi elle découvre un intérêt pour la biologie animale et humaine. Encore aujourd’hui, au coeur de sa recherche, on trouve l’homme dans sa capacité de transformer l’adversité. L’artiste a connu des épreuves considérables et son œuvre, dans sa fibre intime, porte cette affirmation du pouvoir d’émergence. Representée par la Cælum Gallery, New York, Marie-Hélène Beaudry voit son travail s’ajouter à de nombreuses collections publiques et privées au Québec comme aux États-Unis.

Humaine comme une œuvre
Sylvie Halpern, journaliste, février 2002

À première vue, on ne fait pas plus urbaine que la montréalaise Marie-Hélène Beaudry. Lorsqu’on la voit passer, privilégiant toujours le noir, dans les rues de sa ville natale où elle peint, sculpte, crée depuis 25 ans, on a peine à concevoir que c’est toujours dans la nature, la nature la plus sauvage même, celle qu’on imagine encore recouvrir de son pan infini les grands espaces du Québec, que cette artiste de 47 ans va puiser son inspiration, se ressourcer. Se recueillir même : « Je ne peins jamais la nature, dit-elle. Tout simplement parce que je ne peux rien ajouter. J’ai constamment besoin d’y retourner, de me mettre à son écoute, à sa merci. D’y puiser la force, l’équilibre, l’espoir. D’aller y chercher les cycles de la vie pour les rendre à leurs destinataires premiers : les gens. »

Car toute l’œuvre de Marie-Hélène Beaudry tourne autour de l’humain. Ces humains qu’elle enfante dans le calme paisible de son atelier inondé de lumière, ceux dans l’âme desquels elle plonge en apné pour en faire rejaillir la moindre parcelle d’émotion. Dans ses toiles qui marient avec bonheur figuratif et abstraction, gammes de blancs et demi-teintes, empreintes et mappemondes, mathématiques et parfums ou mèches de femmes, chaque feuillage est prétexte à dégager un profil ; chaque rocher une présence. Et chaque silhouette a la force confiante, élancée, évanescente et magiquement irréelle des plus hauts peupliers. Un message? Certes pas. Mais toujours une porte qui s’ouvre. Un chemin.

Quand elle peint – de grandes toiles qu’elle fait en général sur commande et qui vont aller vivre leur vie ailleurs, loin d’elle, souvent dans des salles d’hôpitaux, des cabinets d’avocats et des bureaux d’architectes -, Marie-Hélène Beaudry n’a que faire de ses propres émotions. Elle n’est plus que ce jeu de lumières, ce pinceau qui s’avance, libre et imperturbable. Ce pinceau qu’elle suivait, déjà, quand à l’âge de deux ans, elle a découvert le bonheur de la création, de la main tendue vers l’autre, les autres, des gouttes de couleur et des taches sur le plancher de cette cuisine familiale qui est toujours la sienne aujourd’hui. Ce pinceau qu’elle a encore suivi pendant toutes ces années où elle s’est fait connaître avec succès au Canada par ses créations de tissus peints : toutes ces fibres pigmentées, ces lins, ces cotonnades, ces soies, qui sont venues recouvrir à loisir des murs, des meubles, des corps, soulignant là encore, haut et fort, que la Nature reprend toujours ses droits. Un pinceau, comme le fil conducteur d’une spiritualité.

« Comme créateurs, nous sommes les filtres émotifs de notre société », assure cette artiste-peintre éclectique qui, au cours de solides années de formation, à travers de multiples expositions et de nombreuses expériences d’enseignement, a aussi bien touché à la sculpture, au bodycasting qu’à la création de bijoux et aux illustrations. Et surtout pas à l’art therapy : « Je me sens beaucoup trop responsable de ce que je fais pour me contenter de lancer mes propres états d’âme sur la toile. A chaque touche de couleur, à chaque trait de pinceau, je suis consciente du fait que mon œuvre ne m’appartient absolument pas. J’ai toujours ceux qui la recevront à l’esprit : ces gens qui, jour après jour, vont vivre avec mes toiles, les regarder, les adopter pour les faire leurs, y puiser ce qu’ils cherchent. Sans que ce soit ostentatoire, j’ai le souci de leur lancer un message constructif, apaisant. » Aussi apaisant que ce paysage intérieur que nous portons en chacun de nous et vers lequel l’œuvre de Marie-Hélène Beaudry mène comme un doux sentier.